11 Mars 2016
La "Liberté" possède un joli nez, héritage respectable du classicisme grec. D'une manière générale, cette monumentale coproduction franco-américaine tient plus de la déesse Athéna au regard sérieux, que de la passionaria aux seins nus, brandissant le drapeau tricolore, qui valut à son créateur Eugène Delacroix une place au Louvre, aujourd'hui au Louvre Lens, tandis qu'elle-même était reproduite à des millions d'exemplaires sur les billets de banque français. D'où lui vient ce visage si caractéristique ? Bartholdi a entretenu le secret jusqu'à sa mort, ce qui fait qu'aujourd'hui encore on en est à faire des suppositions. Ca pourrait être celui de la veuve d'Isaac Singer, celui d'une jeune fille, prise au hasard sur les barricades lors de la révolution contre Louis-Napoléon Bonaparte, voire même celui de sa propre mère. "Miss Liberty" échange le bonnet phrygien contre la couronne de rayons solaires représentant les 7 continents et les 7 mers du globe, et gagne en même temps un sérieux qui lui apporte la sérénité nécessaire à la position. Belle, la statue de la liberté ? Indéniablement, mais au risque de me répéter, elle a cette beauté froide, classique, des maîtresses-femmes, assurées, volontaires, qui enchantent le monde et font courir l'humanité à ses pieds.
D'un point de vue plus pratique, cette statue est réellement colossale. Haute de 46,50 mètres, elle est juchée sur un piédestal aussi haut qu'elle. Elle atteint tranquillement le vénérable poids de 225 tonnes, tandis que les dimensions des parties de son corps inspirent le respect : Un nez d'un mètre 37, un index de 2m 44, une tête de plus de 5m de haut... Elle est drapée dans une robe large format de nombreux plis et masquant sa poitrine qui n'est pas particulièrement généreuse. Un gage de consensualité peut-être ? A ses pieds, le sculpteur a positionné les chaînes brisées de l'esclavage, seuls éléments représentant la liberté. Et un élément très discret, en plus. Cette statue a un nom plus juste que son surnom : Le fait qu'elle éclaire le monde est plus évident qu'elle n'est l'incarnation de la liberté. (Petit rappel : "Statue de la liberté", ce n'est que son surnom, son nom officiel est "La liberté éclairant le monde") Elle porte une tablette, réincarnation laïque des tablettes de la loi de Moïse. Celle-ci porte la date du 4 juillet 1776, date de l'indépendance des Etats-Unis, ce qui parait cohérent en regard de son histoire.
Sa position géographique lui confère un rayonnement international. Issue du génie français, elle fut placée à l'entrée du port de New-York, probablement la plus grande ouverture au monde du plus grand pays occidental. Et rayonnement est le mot juste, puisqu'elle fut un phare durant ses premières années. Pendant 60 ans, toute l'immigration américaine est passée sous son regard. Elle apportait la joie, la crainte aussi, mais surtout l'espérance d'une vie meilleure.
La statue de la Liberté est un monstre de métal, comme aime à le dire certaines personnes mal intentionnées. Monstre, sûrement pas, mais de métal, sans aucun doute. Sa structure interne était initialement en fer forgé, la spécialité de son architecte Gustave Eiffel, dont la tour en fera la démonstration quelques années plus tard. En 1984 d'importants travaux de rénovations la remplacèrent par une armature en acier, plus prompte à résister aux intempéries de ce climat marin. La couche travaillée en force qui donne sa forme à la statue est en cuivre. Elle est composé de 300 plaques de cuivre de 2.3 mm d'épaisseur seulement, ce qui, il faut bien le dire, est extrêmement fin en regard de la grande dimension de l'œuvre finale.
Le socle, lui, est en pierres granitiques du Connecticut, réputées extrêmement stables aux intempéries marines. Aussi haut que la statue elle-même, elle contient un musée, et son sommet est orné d'un balcon qui permet d'en faire le tour, offrant une très jolie vue sur la Skyline de New-York.